Procession de miliciens

Un premier milicien vint calmement reprendre son épée, avant de se retirer dans la forêt, retournant vers Proncilia. Il fut imité par les autres, qui se retirèrent un a un. Leur tâche était terminée, ils pouvaient retourner en ville, soulagés de ne pas avoir eu a affronter les lycanthropes et fiers de l'accomplissement de leur mission. Certains se disaient évidemment que les Lycans n'étaient pas moins monstrueux que le démon qu'ils escortaient; aucun n'osa émettre le moindre commentaire cependant. Ne disait-on pas que ces êtres avaient une ouïe particulièrement fine?

Quant au prisonnier, il fixa son regard sur les lycans. Tandis que les miliciens quittaient les lieux, il détailla les bêtes une a une, gardant son air calme, pas le moins du monde tendu. Une fois que le dernier milicien eût quitté les lieux, Sëth prit la parole.

-Lequel d'entre vous commande? Je souhaite lui parler, puisque je suis désormais votre prisonnier.

-Je ne souhaite que des pourparlers.

Toujours aussi calme, Sëth n'avait pas résisté le moins du monde lorsque les Lycans lui avaient bandé les yeux. Son ton ne trahissait pas la moindre émotion.

-Qu'allez vous faire, Lycans? Vous venger de moi par un moyen ou un autre? C'est idiot.

Le démon demeurait immobile, dans la cage. Il ne chercha pas a un seul moment a défaire ses liens.

-D'abord, parce que Nefar se méprend sur mes intentions véritables. Ensuite, parce que cela ne vous apportera qu'une satisfaction éphémère alors que moi, je peux peut-être vous aider.

Parce qu'il y avait mille et une failles dans le plan de Nefar. Parce qu'il n'avait qu'a les exploiter.

-Je ne vois pas ce que vous risquez. En acceptant d'entendre ce que j'ai a dire, vous pouvez peut-être obtenir quelque chose. En refusant, vous ne ferez qu'appliquer une vengeance qui ne vous servira a rien. Après tout, vous êtes du bon côté des barreaux. Accordez moi cinq minutes, pendant que vous marchez. Vous n'y perdrez même pas de temps.

Et il devait tenir sa promesse envers le chef de milice. Sa prédiction devait se réaliser.

C'était l'occasion qu'il lui fallait; que le Lycan ait décidé de lui même de ne rien dire ou que Nefar lui aie dicté sa conduite, le silence était rompu, du moins pour un moment. Le visage de Sëth ne laissait pas transparaître l'importance que cette petite victoire avait pour lui; son ton, qu'il s'efforçait de garder aussi plat que possible, le trahissait légèrement. Mais tout restait a faire.

-Vous n'êtes pas idiots; vous ne me laisserez pas partir en échange de la promesse d'un service. J'ai cependant de grands moyens a ma disposition, même enfermé. Je peux donc vous aider même en étant ici, vous offrir une aide quelconque en gage de ma bonne foi. S'il y a une chose dont vous avez besoin, eh bien, demandez la moi. Je vous dirais si l'influence que j'ai a l'extérieur peut me servir a vous l'obtenir.

Si vous êtes dubitatif, je peux toujours vous expliquer les raisons des accusations portées contre moi par Nefar et vous apporter quelques preuves de ma bonne foi. C'est a vous de décider de quelle manière j'ai le plus de chances de vous apporter quelque chose.

Sëth avait un flot d'explications, de justifications a fournir, mais chacune était incertaine dans ses résultats d'une manière ou d'une autre. Parler de Korandar? De Cendrais? Ils pourraient avoir entendu parler de la fin de la meute. Leur donner un moyen d'agir contre Nefar? Ils pouvaient tout aussi bien lui être réellement fidèles. Et manifestement, le Lycan n'était pas disposé a l'écouter longtemps. En somme, le laisser choisir ce qu'il voulait bien entendre était probablement le meilleur moyen d'éviter les écueils.

La réponse vint rapidement, Sëth décidant d'improviser pour paraître sur de lui dans ses affirmations.

-Il y a deux possibilités. Soit Nefar ignore tout de mes objectifs, de ma doctrine, et croit vraiment que je veux agir contre vous. Soit il sait tout et souhaite faire d'une pierre deux coups: se débarrasser de moi et s'attirer vos grâces pour mieux pouvoir vous manipuler.

Je suis de Korandar, un clan formé d'un groupe de démons et d'une meute de Lycans. Et dans ma lutte pour le Chaos, contre le royaume de Roland et l'Ordre établi des humains, je suis l'allié de ceux parmi vous qui résistent a Tyroine. Je n'ai aucune raison de chercher a nuire aux Lycans.

Quant a Nefar, ses positions sur vous sont bien connues. Pourquoi est-il si soudainement devenu votre allié, votre défenseur? Pourquoi aurait il changé d'avis? Pourquoi mon rôle et le sien seraient inversés? Pensez y bien. Je ne vois qu'une explication: l'une de mes deux solutions est la bonne; il reste a savoir laquelle.

Les doutes envers Nefar étaient donc bien présents parmi les membres de la meute? Il y avait une ouverture; il ne tenait qu'a Sëth de la prendre.

-Le Royaume de Roland est notre ennemi commun. Il a décidé de vous massacrer, après tout. Aucun citoyen ne s'est soulevé dans le sud du Royaume, la ou Tyroine est le plus influent. Je prône le chaos, mais je ne suis pas totalement stupide. Pourquoi chercherais-je a nuire aux Lycans alors que les circonstances nous donnent un ennemi commun? Comprenons nous bien. Je ne vous propose en aucun cas de suivre la cause de Korandar; j'affirme simplement que les luttes des Lycans du royaume pour leur survie et mon combat au nom des idéaux du Chaos convergent en ce moment.

-Le but des serviteurs du Chaos est de nuire a l'Ordre. Le royaume de Roland en est un rempart majeur. Je ne me soucie pas spécialement du génocide; en tout cas, je n'en suis pas a l'origine et bien que je ne soie pas dans votre camp, je suis bien plus proche de vous que des Royalistes. J'ai combattu ce royaume bien avant vous, soyez en assurés. Je ne vous propose pas mon aide, je cherche une entente qui nous favoriserait tous. Dans tous les cas, si vous souhaitez tuer le conseiller, soit. Ce qui m'importe, ce n'est pas de récolter la gloire. C'est que les choses bougent. Et que vous le vouliez ou non, les démons sont pour vous d'évidents alliés de circonstances.

Parfaitement impassible, comme depuis son arrestation, Sëth continua a parler sans se presser.

-Quant a de la Balmondière, il m'envoie dans une cage. Il souhaite que vous m'exécutiez, n'est-ce pas évident? Comme je le disais plus tôt, il est très probable qu'il veuille faire d'une pierre deux coups. Se débarrasser d'un ennemi en ma personne et en amadouer un autre, soit vous.

Le discours du lycan semblait absurde, décousu.

-Réfléchissez un peu. Si de la Balmondière m'offre comme prisonnier, je ne suis donc pas son allié. C'est ridicule de penser que je pourrais vous renseigner sur lui. S'il y a des choses que vous souhaitez savoir, vous n'avez qu'a demander cependant. Je ne suis pas en position de force et je ne suis d'aucun camp. Rien de ce que je pourrais vous dire ne pourrait me nuire.

La situation, tendue, risquait évidemment d'être difficile a dénouer mais ne rien tenter aurait été idiot.

-Je ne vois pas par quelle logique vous pouvez penser que je suis avec les Humains alors qu'ils m'ont capturé et envoyé ici. C'est... incompréhensible, vraiment.

-Vous êtes les ennemis des humains. Me tuer reviendrait a les aider. En somme, vous allez paraître moins dangereux a l'ennemi, mais pour cela vous devrez leur rendre un grand service. Si vous souhaitez réellement nuire a l'ennemi... et bien, il y a des moyens de faire d'une pierre deux coups.

Tout se jouait maintenant, semblait il. Mais le démon n'en avait pas l'air plus affecté.

-Vous êtes probablement un supérieur quelconque, mais il m'apparaît que vous n'avez aucune connaissance de la stratégie ou de la politique. Du moins, pas de sa face cachée.

-Tout prendre pour de la manipulation vous desservira. En toute honnêteté, je crois qu'entre moi et Nefar, je suis loin d'être le manipulateur. Me nuire, c'est l'aider.

Et le démon reprit son attente.

Ils arrivèrent enfin à destination.. La meute.. Louferno était désormais dans le doute.. Et prit finalement la décision de laisser à la meute le choix de croire le démon ou non.. Ils menèrent la cage jusqu'à une grotte.

(Direction les grottes, grotte de détention.)